Bazar de Bernard Pignero (en .pdf)
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J’avais cru en m’embarquant à vingt ans que je me tiendrais naturellement à la proue, nez au vent, cherchant sans me lasser sur l’horizon toujours repoussé, des mirages d’îles, des promesses de terres inconnues plantées de fleurs éternelles et peuplées de sauvages nus et doux. Je croyais que naviguer consistait à explorer l’avenir entre les deux infinis de la terre et du ciel. J’ai vite trouvé ma place sur le pont arrière, tourné vers le passé que je fuis, à jamais attaché à la terre dont je m’éloigne. On ne sait jamais très bien d’où on vient. On devine un peu d’où on ne peut pas venir. De même, vers l’avant, on ne fait qu’éliminer les ailleurs impossibles.
Ceux qui ne se sont pas affranchis de toute inquiétude et de tout remords voyagent le dos voûté, appuyés au bastingage, le regard perdu dans l’écume émeraude qui jaillit de sous la coque et qui mesure, dans le bouillonnement de ses festons déroulés, la distance qui les sépare de leur passé.
Bernard Pignero est romancier, nouvelliste et poète. Ancien cadre dans le domaine de la sidérurgie puis de la chimie, il a écrit de nombreux ouvrages et articles. Il a obtenu le prix Marguerite-Audoux avec « Les mêmes étoiles » (Gallimard 1998). Il se consacre aujourd’hui au bénévolat associatif autour de la Littérature. Après « Traduit du français » (2015) et « Embruns » (2015), il offre ici son troisième roman aux éditions Encretoile.
Références spécifiques
J’avais cru en m’embarquant à vingt ans que je me tiendrais naturellement à la proue, nez au vent, cherchant sans me lasser sur l’horizon toujours repoussé, des mirages d’îles, des promesses de terres inconnues plantées de fleurs éternelles et peuplées de sauvages nus et doux. Je croyais que naviguer consistait à explorer l’avenir entre les deux infinis de la terre et du ciel. J’ai vite trouvé ma place sur le pont arrière, tourné vers le passé que je fuis, à jamais attaché à la terre dont je m’éloigne. On ne sait jamais très bien d’où on vient. On devine un peu d’où on ne peut pas venir. De même, vers l’avant, on ne fait qu’éliminer les ailleurs impossibles.